29 mars 2017
Dans la pièce de Tennessee Williams, Soudain l’été dernier, montée sur la scène de l’Odéon en mars dernier, Stéphane Braunschweig donne le meilleur de lui-même, dans un style fondé sur le jeu des acteurs, sur l’intensité du texte et sur une scénographique d’une beauté phénoménale effrayante.
C’est dans ce décor justement fait d’une jungle foisonnante et envahissante, évocatrice des moiteurs de la Nouvelle Orléans, que se déroule cette intrigue psychanalytique à ciel ouvert. On ne sait pas trop comment Sébastien est mort. Sa mère veut garder de lui l’image d’un poète quasi divin. Elle attend du docteur « Sugar » – en échange d’argent pour sa clinique – qu’il lobotomise Catherine la cousine de Sébastien, afin qu’elle ne dévoile pas les conditions de sa mort. Et de fait, Catherine est effectivement enfermée dans un hôpital psychiatrique et tous, notamment la mère de Sébastien, veulent la faire passer pour folle. Ici, contrairement au film de Mankiewicz, on ne voit pas les fous poursuivre Catherine. Pas d’Elisabeth Taylor avec son fameux maillot de bain blanc. Tout est dans le texte : la pauvreté, la maladie, la folie qui peu à peu submerge le réel. L’interprétation de Marie Rémond est d’une émouvante intensité. Son phrasé est saccadé et répétitif, angoissant même, notamment lorsqu’elle décrit ce qu’elle a vu : le corps de Sébastien dévoré par des enfants affamés et nus, comme les tortues dévorées par les oiseaux carnassiers aux Galapagos.
Ici, sur la scène, comme dans le film, la moiteur, l’humidité tropicale, l’atmosphère étouffante de ce jardin qui n’est pas d’Eden, s’inversent en une vision de désolation et de violence.
Soudain l’été dernier
De Tennessee Williams.
Au théâtre de l’Odéon (du 10 mars au 14 avril 2017), puis en tournée à Marseille et à Milan ; mise en scène de Stéphane Braunschweig avec Luce Mouchel et Marie Rémond.
Au cinéma (disponible en DVD) de Joseph Mankiewicz (1959), avec Elisabeth Taylor, Katharine Hepburn et Montgomery Clift.