21 février 2018
Setsuko est une employée, vieille fille solitaire et aigrie qui s’ennuie ferme dans son travail de bureau à Tokyo. Son quotidien est vide, oppressant et quasi-suicidaire. Mika, sa nièce lui fait découvrir un cours d’anglais. Setsuko tombe follement amoureuse du professeur, John, un jeune américain frivole et excentrique qui la dote d’une perruque blonde et la surnomme Lucy. Lorsqu’il quitte le Japon avec Mika, elle va tout faire pour le rejoindre en Californie. Son séjour avec sa sœur (mère de Mika) à Los Angeles sera particulièrement mouvementé, et Setsuko prend conscience que l’Amérique ne correspond pas aux attentes qu’elle y avait projetées. Déçue, elle retourne à Tokyo, démissionne de son travail et reprend ses errances en quête d’amour.
Au-delà des péripéties qui se jouent entre les personnages, ce sont deux mentalités qui s’affrontent. Face à la recherche désespérée d’amour et de reconnaissance de Lucy, la désinvolture, le dilettantisme et l’indifférence de John ne font que l’entrainer dans l’abattement et la déprime.
Pour son premier film, Atsuko Hirayanagi nous montre aussi un va et vient entre deux cultures. À Tokyo, la foule, toujours en mouvement, s’agite de façon anonyme dans les grands carrefours urbains, aux immeubles concentrés comme celui de Shinjuku que le film nous donne à voir. Les appartements sont minuscules, comme celui, encombré, de Lucy. Les bureaux où elle travaille sont d’un blanc immaculé; les employés silencieux sont alignés comme des pions, au sourire et dévouement factices. Le paysage est traversé par des trains, toujours des trains, qui se croisent, annonciateurs de suicides, comme celui du premier plan du film, laissant indifférente la foule rangée en lignes impeccables.
En Californie, la première chose que Lucy voit, ce sont les palmiers géants et les derricks sur l’autoroute qui mène à Los Angeles. Elle loge dans un motel triste à souhait où les cloisons laissent passer les gémissements des voisins. Elle se retrouve souvent avec John ou seule dans un bar ou dans un diner, archétype des restaurants américains.
Oui, ce premier film est passionnant, malgré quelques confusions dues à la prolixité des situations. Mais passionnant tout de même par la richesse des oxymores qu’il soulève : celui des sentiments et des émotions, entre le besoin d’amour de Lucy et l’inconstance de John; celui des différences culturelles entre Tokyo et la Californie; et surtout celui du traitement cinématographique, entre humour et drame.
OH LUCY ! Un film d’Atsuko Hirayanagi – 2017
En salles en France à partir du 31 janvier 2018
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