31 janvier 2019
Photo : RTBF
Le film de Clint Eastwood avec Clint Eastwood lui-même dans le rôle d’Earl Stone est un régal pour les yeux et pour les oreilles. Le film s’inspire de l’histoire véridique d’un homme de 87 ans – Leo Sharp – condamné à trois ans de prison pour avoir transporté une cargaison de cocaïne dans les années 1990. Clint Eastwood en fait une « mule », un coursier en quelque sorte, qui transporte dans son pick-up des cargaisons de cocaïne du Nouveau Mexique à Chicago. Il se retrouve ainsi au service d’un cartel de la drogue mexicain, qui le choisit précisément parce qu’il est vieux et qu’il a toujours conduit très prudemment, pouvant de la sorte passer inaperçu. Earl est un ancien horticulteur ruiné par le développement des achats sur Internet. Pour se refaire, il accepte d’accomplir ces missions, sans trop se poser de questions morales. Au fur et à mesure de ses va et vient, il accumule une petite fortune avec laquelle il fait du bien autour de lui : sa famille, qu’il a toujours négligée ; l’amicale des vétérans de la Deuxième guerre mondiale, dont le club tombait en ruines ; un couple d’automobilistes Noirs, en panne sur la route…
Au-delà du côté plaisant, joyeux et charmant du film ; au-delà du jeu cabotin, facétieux et sympathique de Clint Eastwood ; au-delà de l’humour qui ponctue presque tous les plans, le film se déroule selon une structure tripartite : 1. Les « courses » à travers le territoire américain, immense, varié et lumineux, d’Earl avec sa cargaison dangereuse. 2. La chasse au cartel de la drogue – et à Earl lui-même – par la police de Chicago. 3. La famille d’Earl, sa femme, sa fille et sa petite fille.
Ces trois séquences semblent a priori diverger, s’éloigner l’une de l’autre par un traitement elliptique, créant une sorte de vide autour de chacune. Ce qui d’ailleurs favorise le suspens. Earl va-t-il tomber dans les pièges qui ne manqueront pas de se mettre sur sa route ? Comme lorsqu’il offre deux grands bidons de pop-corn à un ranger venu contrôler son pick-up ; qu’il met vite de la crème sur ses mains et vient caresser un chien renifleur qui s’approchait du coffre du pick-up ; ou encore lorsqu’il entame une discussion dans un restaurant, sur la nécessité morale de s’occuper de sa famille, avec… le policier qui ne se doute pas qu’il a affaire à l’homme qu’il recherche ! Earl arrive ainsi à déjouer tous les pièges qui lui sont tendus et nous entraîne dans des éclats de rire pour notre plus grand plaisir et pour celui de Clint Eastwood lui-même. Et la police, précisément, arrivera-t-elle à mettre la main sur les criminels ? Ses maladresses, ses ratés, les fausses-pistes qu’elle prend… là encore nous enchantent. Enfin Earl, sa femme, sa fille et sa petite fille finiront-ils par se rabibocher ? Dans une rédemption familiale en quelque sorte ?
Le mouvement centrifuge de la première partie du film va peu à peu s’inverser en mouvement centripète. Les trois séquences vont se rapprocher et ne faire plus qu’une lors du procès d’Earl. Tous sont là : Earl, digne et assumant sa culpabilité ; sa petite fille et sa fille l’entourant et lui promettant d’aller lui rendre visite en prison ; la police et tous les pontes de la DEA (Drug Enforcement Administration) enfin, respectueux.
Un film serein, paisible, spirituel comme le donne à voir le jeu de Clint Eastwood. Un film bercé par les anciennes chansons country qu’Earl fredonne tout au long de ses randonnées. Sans oublier la voix chaude de Dean Martin, s’échappant de l’autoradio, qui nous émeut. Une atmosphère que Woody Allen ne saurait désapprouver.
La Mule
De et avec Clint Eastwood
USA 2018
En salle depuis le 23 janvier 2019
Disponible en Blu-ray et DVD
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