10 juillet 2019
Photo : Newestern
Premier long métrage de Laure de Clermont-Tonnerre, Nevada est certes un film carcéral ou peut-être même un western. Mais c’est surtout un film sur la liberté, sur la «difficile liberté» comme dirait le philosophe Emmanuel Levinas. Voici un prisonnier, incarcéré depuis de nombreuses années, transféré contre sa volonté, dans une prison du Nevada où il est obligé de suivre un programme de réhabilitation sociale. Ainsi, en dressant des chevaux sauvages, notre héros Roman Coleman, interprété magnifiquement par Matthias Schoenaerts, pourrait sortir du système carcéral et retrouver peut-être la liberté. Mais, pour Roman, brute colérique, toujours prêt à exploser, la socialisation progresse lentement. Des liens affectifs vont cependant peu à peu se tisser entre Roman et le vieux patron de l’enclos, interprété par un Bruce Dern espiègle. Et avec son cheval sauvage aussi. Roman doit le dresser avant qu’il ne soit vendu aux enchères. Tous deux finissent par s’apprivoiser, se parler et finalement se libérer mutuellement : libéré de sa solitude et de son mutisme pour Roman, de son destin mortifère pour le mustang. Dans une séquence finale, d’une intensité dramatique admirable, Roman libère son cheval tout en sacrifiant sa propre liberté, puisque le programme de réinsertion n’aura pas fonctionné pour lui. C’est bien un film sur le combat pour la liberté. Le mustang, qui subrepticement vient pour ainsi dire «faire un adieu» à Roman, retrouvera-t-il les grands espaces westerniens ou sera-t-il à nouveau capturé ? Roman, à nouveau derrière les barreaux, connaitra-t-il la rédemption et la paix intérieure ? Au-delà du film carcéral et de la diélectique de l’évasion/enfermement, Laure de Clermont-Tonnerre nous montre une Amérique où les rapports aux hommes, à l’espace, aux animaux se déroulent souvent dans une relative douceur, une certaine harmonie. Les milliers de chevaux sauvages galopent en liberté dans les grandes plaines de l’Ouest, les prisonniers sortent de derrière leurs barreaux pour entrer en résonance avec leurs chevaux, avec l’espoir d’une réinsertion sociale. Même la vente aux enchères au cours de laquelle les mustangs une fois dressés sont vendus, laisse transparaitre une certaine émotion lorsque les détenus et les acheteurs chantent à l’unisson l’hymne américain, main sur le coeur. Laure de Clermont-Tonnerre livre ici un film consensuel, absent de tout manicheïsme et où seuls règnent l’espoir et le refus des instincts et des pulsions de mort.
Nevada
Laure de Clermont-Tonnerre
USA – 2019
En salles depuis le 19 juin 2019
Disponible en DVD et Blu-ray
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