17 novembre 2020
Photo : AlloCiné
Nous sommes en 1972. C’est l’un des derniers films de Jean-Pierre Melville, le plus américain des cinéastes français. Dans ce Cercle rouge, l’inspecteur Matteï (André Bourvil) est chargé de convoyer par le train le détenu Vogel (Gian-Maria Volonte). Mais ce dernier arrive à s’enfuir. Le hasard le met sur les pas de Corey (Alain Delon) qui, sortant de prison, prépare une « affaire », le cambriolage d’une joaillerie place Vendôme. Vogel se joint à lui, ainsi que Jansen (Yves Montand), un ancien policier alcoolique.
Le titre du film se réfère à la citation de Rama Krishna, que Melville place en exergue. Tôt ou tard, quels que soient les chemins qu’ils empruntent, les hommes finissent par se retrouver à l’intérieur du cercle rouge. Et c’est bien ainsi que se termine l’aventure des trois cambrioleurs, tués par Matteï, qui lui aussi se retrouve à l’intérieur du cercle. Et que fait-il dans le cercle ? Serait-il lui aussi un coupable ? Ses capacités ont-elles été toujours au plus haut comme semble le contester son inspecteur général ? Vogel et Matteï ne sont-ils pas faits de la même chair ? Ne sont-ils pas quelque peu complices comme on pourrait le penser lorsque tous deux menottés courent vers le train. « Un voyage à deux… ça crée des liens » s’exclame à un moment l’inspecteur général. Et Jansen n’est-il pas un ancien policier ? Flic ou truand, c’est du pareil au même.
Le mouvement centripète qui ramène les quatre protagonistes dans cette villa, métaphore du cercle rouge, vient conclure l’intrigue. Mais pour y aboutir le film prend son temps. Il se déroule en sens inverse, de façon centrifuge. Le découpage et le montage des plans se fait de plus en plus lent au fur et à mesure que les quatre protagonistes se rencontrent.
Des plans rapprochés filment les personnages d’abord seuls : Delon en visite chez le recéleur ou achetant une voiture. Volonte fuyant dans le forêt. Montand avec ses cauchemars dans son appartement ou repérant les caméras chez le joailler. Les rituels quotidiens de Bourvil dans son appartement.
Mais des plans plus longs ponctuent le récit lorsque chaque protagoniste entre en relation l’un avec l’autre. C’est Bourvil et Volonte dans le train ou lors du déploiement des forces de police en rase campagne aux couleurs brumeuses. C’est Delon et Volonte, lorsqu’ils passent en silhouette sur les toits au moment du vol de la bijouterie. C’est aussi Delon et Bourvil où ce dernier, avec ses Ray-Ban melvilliennes, se fait passer pour un recéleur.
Puis, progressivement, dans des plans plus larges, les duos deviennent des trios. Les trois cambrioleurs se retrouvent pour la préparation du vol. On peut les voir ensemble à l’intérieur de la voiture. Inexorablement, les destins s’entremêlent et s’uniformisent autour de la bijouterie. Les mouvements qui individualisaient les quatre protagonistes, peu à peu les socialisent, d’abord deux à deux, puis à trois. Il y a comme une accélération des mouvements centrifuges qui va jusqu’à la disparition des mobiles individuels des protagonistes. À la place, le récit se dirige vers une
succession de plus en plus dense de plans longs, où tous se retrouvent au coeur du dénouement. Les destins individuels divergents, éclatés, se contractent et s’agrègent à l’intérieur du cercle rouge.
Avec Le Cercle Rouge, Melville signe un chef-d’oeuvre en tous points : structure du récit, mise en scène, découpage et rythme des plans, neutralité dramatique, occultation psychologique… Un sommet.
Le Cercle Rouge
Jean-Pierre Melville
France – 1970
Avec Alain Delon, André Bourvil, Yves Montand, Gian-Maria Volonte, François Perrier…
Disponible en DVD et Blu-ray
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