12 mars 2023
Photo : AlloCiné
Le cinéma, et la salle de cinéma en particulier, est par excellence le lieu où le noir se fait, où les lumières s’éteignent, où l’écran noir va bientôt exploser d’un éclair aveuglant. C’est le contraire qui se déroule dans la salle de cinéma du dernier film de Sam Mendes, dont le titre Empire of Light en est la métaphore. Dans cette magnifique salle Art Deco, Hilary (bouleversante Olivia Colman) gère le cinéma entourée de sa petite équipe, du projectionniste au caissier, du vendeur de friandises aux contrôleurs des billets. Tout ce qu’il y a de plus ordinaire, dirait-on. Mais non. C’est dans un festival de couleurs et de lumières que ce petit monde vaque à ses occupations. Le rouge et l’or dominent, dans le hall avec ses meubles et ses banquettes vertes, dans la salle avec ses immenses rideaux rouges, dans la cabine de projection, où sévit le solitaire et astucieux Norman (Toby Jones), dans la salle de pause où règne la gaité et l’entraide. C’est là, dans cet univers chaleureux et accueillant qu’Hilary est chargée de former un nouvel arrivant, Stephan (Micheal Ward) un jeune noir, ayant le désir de poursuivre des études universitaires d’architecture. Tout semble calme et paisible dans cet espace clos, à l’abri du monde extérieur, comme un cocon protecteur pour chacun des protagonistes. Mais la réalité ne va pas tarder à se manifester, le passé à refaire surface. Hilary est un femme fragile, marquée par les traumatismes de l’enfance et victimes de rapports sexuels non consentis avec ses patrons dont le directeur actuel du cinéma (Colin Firth). Quant à Stephan, il séduit toute l’équipe à commencer par Hilary avec qui il va entretenir une relation amoureuse épanouie, mais soustraite au regard des autres, comme se situant ailleurs, hors sol. Comme si cette relation ne pouvait se dérouler que dans un cadre neutre, grisâtre. Celui précisément des salles décrépies, non exploitées du cinéma, annonce probable d’un amour impossible.
La réalité extérieure, à nouveau revient en force. Des jeunes racistes s’en prennent à Stephan et des bandes de skinheads attaquent le cinéma, fracassent les portes d’entrée, s’en prennent au personnel, jettent à terre Hilary et lynchent carrément Stephan qui, estropié, ne doit son salut qu’à l’arrivée de la police. La caméra filme cette séquence en jouant sur les contrastes de couleurs. Le monde extérieur, les casseurs, sont vus à travers les vitres du cinéma qu’ils vont pulvériser, en contre-jour, dans la lumière grise et blafarde de cette petite ville balnéaire de l’Angleterre de la fin des années 1970. Alors que le personnel lui, recule dans un zoom arrière, vers le fond or et rouge du hall. Magnifique va et vient, architectural contraste gris/couleur !
Jeu de couleurs encore dans la séquence finale, dans cette allée d’arbres, verte et lumineuse, que traverse Stephan pour aller vers sa liberté, vers ses études où il ne sera plus en butte au racisme. Et quelle émotion nous saisit dans l’étreinte de Stephan et de Hilary qui signe leur séparation. Le rouge et l’or cèdent la place au vert. Vert liberté, vert mélancolie.
Tout dans le film de Sam Mendes, s’étale dans une palette de couleurs, éclatantes ou diffuses, dans une mise en scène élégante qui nous berce et nous enchante comme une caresse.
Empire of Light
Sam Mendes
USA-Royaume Uni – 2022
Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth, Toby Jones
En salle depuis le 1er mars 2023
Disponible en DVD et Blu-ray
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