4 juillet 2023
Photo : EcranLarge
Dans le film Un monde parfait de Clint Eastwood – mais est-il si parfait que cela ? – une équipée dramatique se joue à l’intérieur d’une construction triangulaire où chaque sommet abrite un personnage. Un voleur tout d’abord, évadé de prison avec son acolyte. Puis c’est le jeune Phillip, fils d’une femme membre des Témoins de Jéhovah. Enfin, le troisième sommet est occupé par un Texas Ranger. Ce dernier, Red Garnett, interprété par Clint Eastwood lui-même, est à la poursuite de Butch Haynes (Kevin Costner), l’évadé de prison qui a pris en otage le jeune Phillip. Mais Butch est un truand au grand coeur. Dans sa cavale avec Phillip, il devient en quelque sorte l’éducateur de l’enfant qui à son tour en fait le père qu’il n’a pas eu. Il lui apprend à tenir un revolver, à participer au vol d’une voiture ou à chaparder un masque de Halloween, à frapper aux portes en répétant « Trick or Treat » pour demander des bonbons, au besoin avec la menace du revolver de Butch. Il le comble de nourriture et de friandises, toutes choses auxquelles Phillip était privé car chez sa mère Témoin de Jéhovah, il n’avait droit à aucun de ces plaisirs. Butch le protège et ne supporte pas que l’on fasse du mal à un enfant. C’est ainsi qu’il tue son complice qui avait voulu violenter Phillip; c’est ainsi aussi qu’il s’apprête à tuer un agriculteur qui maltraite son fils, alors qu’il les avait gentiment hébergés. Phillip admire Butch qui devient ainsi son héros. Mais là où ces deux personnages étaient une caricature vivante de deux mondes aux antipodes l’un de l’autre, leur cavale va les rapprocher. Ils vont faire route commune, vers le barycentre du triangle où se jouera le coeur du drame. Leur rapprochement maître/disciple reste toutefois ambigu. Phillip, lui non plus, ne supporte pas l’injustice et c’est bien lui qui va tirer sur Butch pour l’empêcher de tuer le paysan qui les avaient recueillis.
Pendant ce temps, Red Garnett, le Texas Ranger, lancé à leur poursuite avec toute son équipe, essuie échec sur échec alors même que nos deux aventuriers poursuivent leur randonnée, quasiment rieuse et enfantine, au nez et à la barbe des policiers. Le réalisateur Clint Eastwood, avec un humour dévastateur, ne se prive d’ailleurs pas de ridiculiser la police et d’en montrer les ratés. Est-ce un hasard si le film se déroule quelques mois avant l’assassinat du Président Kennedy ? La fin du film donnera à voir une épouvantable, absurde et tragique bavure. Car c’est là que se retrouveront les trois protagonistes. Butch rendant l’âme dans les bras de Phillip; Red Garnett essayant de négocier au mégaphone avec Butch sa reddition. Jusqu’au coup de feu fatal de l’agent du FBI, au grand désespoir de Red Garnett… et des spectateurs. Cette rencontre triangulaire an coeur du drame ne se fera donc pas. Phillip, en pleurs rejoint sa mère; Garnett, dépité retourne à ses occupations et Butch, le visage comme endormi fait faux bon à la vie. Ce visage endormi, c’était déjà celui du générique. Dans un plan magistral, la caméra cadrait son visage les yeux fermés sur fond herbeux, des dollars tourbillonnant au dessus de lui. Rêvait-il alors de la belle vie qu’il mènerait avec tous les dollars qu’il amasserait ? Le générique de fin, avec le même cadrage… et une tâche de sang en plus vient mettre fin au rêve. Un monde pas vraiment parfait… mais un film presque parfait !
Un monde parfait
Clint Eastwood
USA – 1993
Avec Kevin Costner et Clint Eastwood
Disponible en DVD et Blu-ray
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