12 mai 2024
Photo : Seriebox
Henry King, le presque-fondateur de Hollywood, nous livre ici un western étrange, énigmatique, où se mêlent les codes classiques et intemporels du western et des approches plus nuancées et moins manichéennes dans la représentation des personnages et des situations. Jim Douglass (Gregory Peck), propriétaire d’un ranch, poursuit quatre bandits qui auraient violé et assassiné sa femme durant son absence. Classique est en effet la volonté de vengeance de cet homme, à la determination glaciale comme on a pu le voir mille et une fois dans les westerns, ceux de Clint Eastwood par exemple. Mais là s’arrête le western conventionnel. Voici notre rancher se rendant dans une petite ville pour assister à la pendaison de quatre malfrats. Jim Douglass pense qu’il s’agit des assassins de sa femme et demande à les voir de près. Il veut vérifier s’il s’agit bien d’eux tels qu’ils avaient été décrits par l’un de ses voisins fermiers, un certain Butler. On assiste alors à une séquence d’une rare intensité au cours de laquelle Jim Douglass porte son regard d’aigle sur chacun des quatre prisonniers, debout derrière les barreaux, ahuris. La scène pourrait faire penser à une procédure d’identification, mais là ce n’est pas un témoin qui fait face aux suspects, mais déjà un justicier.
Cependant, les quatre bandits vont s’évader grâce à la complicité du faux-bourreau, emmenant avec eux une jeune femme en otage. Les habitants et le shérif se lancent à leur poursuite et Jim Douglass se joint à eux et en profite pour mener sa propre traque. Trois magnifiques séquences vont se succéder au cours desquelles Douglass abattra les trois premiers bandits. Chaque fois qu’il retrouve l’un des malfaiteurs il lui montre la photographie de sa femme incrustée dans sa montre-gousset. La caméra fixe en gros plan le visage terrifié du truand puis en une seconde, avec une rare violence Jim l’abat sans hésitation. La séquence se reproduira deux fois encore. La montre-gousset à chaque fois est l’annonce de la mort. Douglass est une sorte d’ange exterminateur brandissant sa faux comme le glaive du justicier. Cette répétition, loin de paraître fastidieuse, donne au film de Henry King une rythmique macabre, comme une « marche funèbre » au tempo accéléré. Les longues chevauchées de Jim Douglas dans des paysages grandioses filmés parfois en « nuit américaine » ne sont pas pour rien dans cette harmonie lugubre.
Quant au quatrième bandit, il échappera à la mort. Il arrive à convaincre Jim qu’il n’est pas l’assassin de sa femme, ni ses trois compères. C’était le voisin Butler l’assassin, c’est lui qui avait décrit les malfrats comme étant les assassins de sa femme. Effondré Jim Douglass se rend à l’église où il s’accuse du meurtre des trois bandits. Il est devenu « le juge, le jury et le bourreau » de trois hommes dit-il au prêtre qui lui enjoint de prier pour se repentir. Dans le plan de fin, au sortir de l’église, dans un large panoramique, la caméra balaie la foule qui l’acclame. Il a débarrassé la ville des fuyards condamnés à être pendus ! La légende passe avant les faits réels… comme dans la célèbre réplique de L’homme qui tua Liberty Valance, le « légendaire » film de John Ford « When legend becomes fact, print the legend ».
Bravados
Henry King
USA – 1958
Avec Gregory Peck
Disponible en DVD et Blu-ray
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