1er juillet 2024
Photo : AlloCiné
Avec The Bikeriders, Jeff Nichols, dépeint l’épopée d’un gang de motards de Chicago dans les années 1970. Il introduit une démarche intéressante et originale dans la réalisation du film. En effet, des scènes montrent la présence d’un reporter photographiant ou interviewant des personnages, notamment Kathy, le rôle féminin principal. Le film d’ailleurs s’inspire du livre de photographies de Danny Lyon qui avait dans les années 60 photographié et enregistré les témoignages d’une bande de motards.
Le photographe/reporter du film de Jeff Nichols refait à son tour le reportage que Danny Lion lui-même avait réalisé auprès d’un club de motards dans les années 1960. Jeff Nichols nous donne ainsi à voir, dans son écriture cinématographique particulière, le making off du travail de Danny Lyon. Le spectateur est emporté dans un film qui montre un reportage dans les années 70, en référence à un reportage des années 60. Une double mise en abyme en quelque sorte.
La présence du reporter favorise une lecture documentaire lui retirant ainsi sa dimension fictionnelle, ce qui a pour effet de déconstruire ce mythe américain et de ramener le film à une vision historico-sociologique des gangs de motards. À ce titre, on est loin du légendaire L’équipée sauvage (1953) de László Benedek avec Marlon Brando en chef de gang. On est loin également, mais dans un autre registre, de La fureur de vivre de Nicholas Ray (1955) ou du toujours légendaire Easy Rider (1969) de Dennis Hopper.
Si le film se veut en partie documentaire, il n’en retrace pas moins une esthétique de la virilité et de la violence à travers cette bande de motards. Les voici ces héros de la route, perchés sur leurs motos pétaradantes, semant la peur autour d’eux. Ils sont « racontés », lors d’un entretien entre le photographe/reporter (Mike Faist dans le rôle de Danny Lyon) et Kathy (Jodie Comer) amoureuse éperdue de Benny (Austin Butler).
Jeff Nichols traduit cette narration en images décrivant les faits et gestes de ces Vandals de Chicago comme ils se nomment, et interprétés par des comédiens remarquables. Leur chef, Johnny (Tom Hardy), impressionnant de dureté, de force titanesque, finira par dévoiler sa sensibilité et son sens de l’honneur. C’est lui qui protège Benny, son préféré, un solitaire, d’une froide violence, casse cou séduisant que Kathy épousera.
Tous les personnages sont souvent filmés en gros plans avec arrêts sur image (référence à la photographie ?) comme pour signifier leur violence rentrée mais aussi leurs angoisses et leurs ressentiments. Ne voit-on pas l’un d’eux déçu de n’avoir pas été retenu pour combattre au Vietnam ? C’est ainsi que le club de bikers qui au départ se voulait être un groupe d’amitiés viriles et de bagarres ludiques imbibées d’alcool, va peu à peu évoluer vers un gang criminel sous la pression notamment de l’arrivée de nouveaux membres plus jeunes, plus violents, désireux de prendre le contrôle du groupe. Johnny sera d’ailleurs assassiné par l’un des nouveaux venus. Quant à Benny, en pleurs, effondré par la mort de son idole, il retrouvera peut-être le réconfort dans les bras de Kathy. Clap de fin d’un kamikaze de la moto et du baston… Clap de fin d’un chef de bande de légende… Mais au-delà, c’est bien la fin d’un mythe que raconte cette histoire de bruit et de fureur, mais aussi du silence et de la vulnérabilité de ces héros de la route.
« The Bikeriders » : La fin d’un mythe
De Jeff Nichols
USA – 2024
Avec Austin Butler, Tom Hardy, Jodie Comer, Mike Faist
En salle depuis le 19 juin 2024
Disponible en DVD et Blu ray
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