« Let’s Get Lost » : Chet Baker, lumière et noirceur

15 juillet 2024


Photo : Rolling Stone

En 1988, le photographe Bruce Weber réalise un film documentaire sur la vie et la carrière mouvementées de Chet Baker, le légendaire chanteur et trompettiste de jazz. Deux années auparavant, Weber avait souhaité faire une série de photos de Chet Baker, mais ce qui devait être un simple court métrage allait devenir un film de deux heures : Let’s Get Lost. Les partenaires musicaux, les ex-femmes, les enfants, la mère, les amis font le récit de moments de la vie du musicien. Chet Baker lui-même en est le témoin principal. Weber retrace deux moments de sa carrière de trompettiste. 

Tout d’abord, dans les années 1950 où Chet joue avec des géants du jazz comme Charlie Parker ou Gerry Mulligan. C’est alors un artiste virtuose, icône du Cool Jazz, idolâtré, beau et séduisant, à la carrure faisant palpiter le coeur des femmes. Une star à la James Dean ! On le voit dans des concerts, des extraits de films, des archives photographiques dont celles que William Claxton avait mises en boite lors de sessions d’enregistrement en 1953. On écoute les témoignages et les anecdotes le concernant, y compris les siens, sincères ou mensongers. Mais dans les années 1980, Chet Baker est un autre homme. Rongé par la drogue, gros plans sur son visage décharné et ridé et sa bouche édentée. Son existence se perd dans le naufrage tragique de sa fin en 1988, lorsqu’il se jette de la fenêtre de son hôtel, sans avoir pu assister à l’avant-première de Let’s Get Lost. 

Ces deux aspects de sa vie s’entre-croisent tout au long du film. Dans un noir et blanc quasi calligraphique, faisant penser aux photographies de la nature amazonienne de Sebastião Salgado, le film est tourné avec une grande liberté, un montage époustouflant, au rythme on ne peut plus jazzy de l’admirable bande-son. Et que d’émotion suspendue et de nostalgie lorsqu’à la fin du film Chet Baker entame Almost Blue.

Let’s Get Lost nous fait découvrir un Chet Baker complexe, contradictoire mais au charisme certain. Un être joueur et poseur, mystérieux et sauvage, lumineux et ténébreux, misanthrope et mondain tout à la fois. Un film plein d’énergie retenue et d’élégance comme l’est le jazz de la West Coast.

Let’s Get Lost
Film documentaire de Bruce Weber
USA – 1988
Disponible en DVD
Version 4K en salles depuis le 19 juin 2024

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