« Les Frères Sisters » Un western pas vraiment western

22 septembre 2018


Photo : allociné

Après de nombreux cinéastes français, voici que Jacques Audiard se confronte, à son tour, à la mécanique hollywoodienne. Bien que tourné en Espagne, en Roumanie et même en France, c’est un film du genre western que le cinéaste nous livre… mais pas que !
Comme on a pu déjà le voir plusieurs fois au cinéma, on retrouve la figure imposée des deux frères, Eli, (John C. Reilly, excellent en naïf perspicace) et Charlie (Joaquin Phoenix, dans le rôle du Bad Boy) à la poursuite de leur cible. Les voici, chargés par un commanditaire, le Commodore, d’exécuter Warm, un chercheur d’or chimiste supposé détenir un secret pour faire jaillir l’or sans effort. Ils le retrouveront grâce à l’aide d’un détective qui note tout dans son carnet de route. Il y aussi les chevauchées dans les grands espaces, les fusillades à l’arrivée dans les villes, les bars et les prostituées, les filons des chercheurs d’or, la construction de l’église… Toutes choses qui, sans aucun doute, font du film d’Audiard un western. On y relève aussi des touches d’humour dans le style des films des Frères Cohen quand Eli découvre le dentifrice, les brosses à dents ou la chasse d’eau dans un hôtel luxueux de San Francisco ou bien lorsque les frères se coupent mutuellement les cheveux. On rit franchement lorsqu’Eli cogne sur le Commodore déjà mort dans son cercueil… pour s’assurer qu’il est bien mort. On entend quelques bons mots entre les deux frères et, en voix off dans un langage châtié, le récit au jour le jour du détective.
Mais derrière cette symbolique westernienne, c’est un autre film qui se joue. C’est d’abord l’histoire de deux frères à la recherche d’amour et de tendresse. On est impressionné par la séquence où Eli demande à une prostituée de lui tendre avec douceur le châle rouge que sa mère lui avait donné. L’intimité de cette scène, la pudeur avec laquelle la femme s’adresse à Eli, sa pose et sa gestuelle quasi virginales, lui donnent une dimension spirituelle certaine. L’amour, ils finiront par le trouver, à la fin du film, dans les bras de leur mère qu’ils avaient abandonnée pour leurs aventures meurtrières. Comme Ulysse, ils reviennent à la maison, meurtris, après avoir rechargé leur batterie d’un peu d’humanité. Mais le film de Jacques Audiard retrace surtout la confrontation entre deux visions opposées de la société. D’une part une Amérique violente, dure, rongée par l’argent, les trafics en tous genres et l’instinct de domination et que les westerns traditionnels, comme celui-ci, illustrent parfaitement (les tueries que les deux frères, dans leur poursuite, enchaînent les unes après les autres, sans fin comme ils le disent eux-mêmes; le visage hallucinant dans l’éclairage nocturne qui donne au chimiste Warm un masque satanique; la haine du père des deux frères et qu’ils assument…). Cependant Warm, ce chercheur d’or chimiste au comportement inquiétant est un utopiste. L’or il le veut, non pas pour lui, mais pour bâtir une cité « socialiste », un phalanstère comme il le dit. Il y a là comme le fantasme d’une Amérique mythique, de liberté et de bonheur individuel. Cet « idéalisme » va conduire nos héros, grâce à la formule du chimiste, à transformer la rivière en un filon d’or à la beauté et à la quantité de pierres insoupçonnées. La séquence tient de la magie. Les quatre protagonistes vont se lancer dans cette rivière débordante d’or dans une chorégraphie frénétique et magique et finalement mortifère. La musique jazzy d’Alexandre Desplat renforce la dimension magique et onirique du film, bien loin des canons des musiques de western. Un vrai-faux western monument !

Les Frères Sisters
Film de Jacques Audiard avec Joaquin Phoenix et John C. Reilly
USA-France-Roumanie-Espagne – 2018
En salles depuis le 10 septembre 2018

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« Under the Silver Lake » : Noyé dans Los Angeles !

15 août 2018

Under the silver lake _allociné
Photo : allociné

Faut-il parcourir un labyrinthe cauchemardesque dans Los Angeles pour retrouver sa petite amie soudainement disparue ? C’est ce que fait Sam (Andrew Garfield, épatant), dans Under the Silver Lake, le dernier film de David Robert Mitchell. Voici notre héros, un geek fauché et désœuvré en quête de célébrité à Hollywood, à la recherche de Sarah. Il traverse toute une série d’étapes, inquiétantes et désopilantes à la fois, au cours desquelles s’insinuent un certain nombre d’indices et de codes qu’il doit percer : le dessin d’un plan sur des boites de céréales, des disques qu’il doit lire à l’envers… Au cours de ses pérégrinations et de ses semblants d’enquêtes, c’est bien Los Angeles baignant dans la culture pop qu’il parcourt et qui se dévoile à travers tous ses lieux fantasmatiques. On y voit la tombe d’Alfred Hitchcock pour bien nous renvoyer à son film Vertigo dans lequel James Stewart poursuit avec angoisse la blonde Kim Novak. La mère de Sam ne jure que par Janet Gaynor, star du muet. Au hasard de ses aventures, mi-réelles, mi-imaginaires ou carrément rêvées, auxquelles on ne comprend pas grand-chose (la référence au Grand Sommeil de Howard Hawks avec Humphrey Bogart s’impose ici), Sam se retrouve nez-à-nez avec Marilyn Monroe dans son dernier film inachevé, Something’ Got to Give réalisé en 1962 par George Cukor. On croise des apprenties starlettes dont les rêves s’épuisent dans des publicités pour produits cosmétiques. Les bars, les parties où sévissent les industriels de Hollywood, entre drogue et prostitution, et les sectes new ages, n’ont plus de secrets pour Sam. Mais cela ne lui permet pas de mener à bien sa recherche pour autant. Voici également un dessinateur-scénariste pas mal dérangé qui hallucine autour de toutes sortes de théories du complot. Le rôle est d’ailleurs tenu par Patrick Fischler que l’on a déjà vu, angoissé, dans Mulholland Drive de David Lynch. Encore un clin d’œil de David Robert Mitchell. Le film se déverse par jets comme le Reservoir qui alimente en eau Los Angeles et qui est au cœur de l’intrigue (d’où le titre : Under the Silver Lake) et c’est par jets continus que ce film étrille le système hollywoodien et fracture définitivement le mythe pour ne laisser de Los Angeles qu’un décor de théâtre en carton-pâte. Alors, laissez-vous aller sans crainte dans ce thriller délirant.

Under the Silver Lake de David Robert Mitchell
Avec Andrew Garfield, Riley Keough, Patrick Fischler
USA 2018
En salles depuis le 6 août 2018

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« Bagdad Café » de Percy Adlon : Une Bavaroise en Californie

16 juillet 2018

Bagdad Café_Affiche

Ressorti en 2018 dans une version restaurée 4K, le film de Percy Adlon, Bagdad Café, réalisé en 1987, tient encore bien la route aujourd’hui. Jasmine, cette Bavaroise, avec loden et plume au chapeau, lâchée par son compagnon, se retrouve seule en plein milieu du désert de Mojave. Elle y découvre, un motel délabré et quasi abandonné, le Bagdad Café, et une Amérique profonde figée dans sa torpeur et son immobilisme. Tout y est : la fameuse Route 66; une station d’essence à la Edward Hopper; un motel poussiéreux; une patronne de café survoltée; un artiste peintre façon hippie aventurier logeant dans un van Clipper Airstream en aluminium, de retour en grâce aujourd’hui; un serveur amérindien toujours somnolent; un shérif caricatural, lui aussi amérindien; un pianiste qui égrène ses notes au milieu des clients, mais du Bach cette fois-ci et non pas du Jelly Roll Morton; des routiers de passage aux bras tatoués… Mais il y a surtout cette Jasmine, une étrangère que la tenancière Brenda regarde de travers et qui cherche à se faire adopter. Elle apporte avec elle sa joie de vivre, sa bonne humeur et son amour des autres. Elle va contribuer à la renaissance de l’établissement en le remettant à neuf et en organisant des revues et des tours de magie, aptes à faire venir la clientèle. Tout oppose ces deux femmes, leur origine sociale, leur mode de vie… et même leur façon de faire le café – Ah ce thermos jaune fabriqué à Rosenheim en Allemagne, sorte de fil rouge (ou jaune) du film ! – Mais peu à peu, elles finiront par s’amadouer, s’apprivoiser et s’aimer. Et c’est d’amour encore qu’il est question, lorsque notre aventurier aux bottes de cowboy, Budy Cox, avec délicatesse et pudeur, demande à Jasmine si elle veut bien l’épouser. Et la réponse de Jasmine, à elle seule résume tout le film : « je vais demander à Brenda ». Humour et amour; poésie et amitié; nostalgie et charme; mais aussi la couleur ocre-désert des images et Calling You, chantée par Jevetta Steele font un film jubilatoire, à voir ou revoir impérativement.

Pour la petite histoire, il faut savoir que le Bagdad Café existe réellement, au bord de la Route 66. Le café s’appelait alors le Sidewinder Café, rebaptisé en 1995. Il est fréquenté principalement par des touristes français depuis que le Guide du Routard en avait fait mention dans sa description de la Route 66. Mais en 2017, le café a reçu un visiteur de marque, Percy Adlon lui-même. En effet, lors de l’avant-première de la version restaurée présentée, le 9 juillet 2018 au cinéma parisien le Luminor, un court métrage réalisé à l’endroit même du tournage du film nous a été présenté par Percy Adlon. Il y a emmené ses petites filles visiter ce qu’il en restait. On y voit le bar recouvert de cartes de visites et de mots ou de prénoms français, la vieille caravane Airstream… et l’émotion sur les visages des adolescentes, lorsque leur grand-père leur explique certaines séquences qu’il avait filmées il y a 30 ans.

Bagdad Café (Out of Rosenheim) de Percy Adlon
USA – Allemagne 1987
Avec Marianne Sägebrecht, CCH Pounder, Jack Palance, George Aguilar
En DVD et en salles à Paris depuis le 11 juillet 2018

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« Mulholland Drive » de David Lynch

9 juillet 2018

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Ce film nous plonge dans un Los Angeles nocturne, lugubre malgré le scintillement de ses lumières. Cinématographique aussi puisque l’intrigue – les intrigues devrait-on dire – retrace les expériences mystérieuses et hallucinantes de deux comédiennes, Diane et Rita, qui ne sont en fait que deux fantômes rêvés par deux femmes réelles : Betty et Camilla. On est là dans un Hollywood glamour – mais aussi burlesque – fait de bruissements de caméras, de prises de son et de tournages de comédies musicales; un Hollywood qui fait rêver et attire les prétendantes starlettes. Les signes distinctifs ne manquent pas pour signaler sa dimension mythique : le Hollywood Sign ou le portail de la Paramount par exemple.

Un Los Angeles aussi où les avenues et les boulevards (San Fernando, Sunset, Santa Monica…), malgré les rangées de palmiers en contre plongée, sont parcourus rapidement comme pour nous rappeler que la route est par essence accidentogène. Et la fameuse Mulholland Drive toujours filmée de nuit, comme pour évoquer la dimension angoissante et onirique qui se dégage de ce film.

Mais le film de David Lynch est l’histoire tragique de Diane, amoureuse de Camilla, qui elle préfère la quitter pour un autre amour : Adam, un cinéaste quelque peu bouffon. Éperdue de jalousie, Diane fait assassiner Camilla et se suicide. Cette fin brutale met un terme au rêve que les deux femmes avaient fait. Diane s’imaginait en starlette débutante au nom de Betty. L’autre, Camilla – au nom de Rita, en référence à Rita Hayworth – est une actrice amnésique, ne se souvenant plus de l’accident auquel elle a réchappé. On passe de chacune à son double de façon simultanée. Double identité au carré, rêve et réalité entremêlés, peur et insouciance, magie et raison, vie et mort ! Lynch nous mène dans ce dédale hallucinant avec le suspens, la violence et son art du jeu des illusions qu’il manie en maître, comme lorsque les deux femmes se rendent à un spectacle où un animateur explique que tout n’est qu’illusion et qu’une chanteuse s’effondre sur scène alors que la chanson préenregistrée se poursuit. Jardins denses, visages monstrueux, défigurés, vieillards lilliputiens ricanant, murs gris, longs couloirs lentement parcourus, portes fermées longuement filmées… tout y est pour nous étreindre de peur et d’inquiétude… et ne laisser aucune chance de salut aux personnages.

Un film psychanalytique où le spectateur est convié à se faire interprète des rêves ? À défaire l’écheveau de l’amnésie, de la culpabilité, du dédoublement de personnalité ? Sans aucun doute. Un divertissement critique sur les illusions, les artifices et les paillettes qui se cachent derrière la façade glamour de Hollywood ? Aussi. Mais un film d’une grande complexité, en fait : du cinéma !

Mulholland Drive de David Lynch
Avec Naomi Watts, Laura Harring et Justin Theroux

USA – 2001
Disponible en DVD et Blu-Ray

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« Hedy Lamarr : From Extase to Wifi ». Du glamour dans les torpilles

11 juin 2018

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Voici un film qui nous fait découvrir, non seulement la beauté et le glamour de « la plus belle femme du monde » mais aussi ses talents de scientifique puisqu’ Hedy Lamarr a découvert le saut de fréquence nécessaire à la bonne communication entre une torpille et le bâtiment naval lanceur. Cette invention, reconnue et récompensée bien tardivement, a été mise en pratique par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam et se trouve être à la base des technologies de la communication comme le Wifi, le GPS, etc.

Cette jeune autrichienne, volontaire et pleine d’enthousiasme se retrouvera rapidement à Hollywood pour fuir son mari pronazi et mener une carrière de star éblouissante mais irrégulière et excentrique. D’une très grande liberté, aussi bien dans son travail que dans ses relations avec les hommes, elle discute de pied ferme ses cachets et mène ses relations amoureuses avec une grande légèreté. Féministe avant l’heure, elle se lance au lendemain de la guerre, dans la production de films indépendants. Mais elle joue alors dans la cour des hommes. Son activité de productrice sera plutôt un échec, non parce que ses films étaient de moindre qualité mais bien probablement parce qu’elle empiétait sur l’hégémonie masculine qui régnait à Hollywood.

Au-delà de la renaissance de cette actrice longtemps oubliée, le film met en lumière le terrifiant processus de dégradation de soi, par lequel beaucoup d’actrices de l’âge d’or du cinéma finissent par se laisser entraîner. Esclaves de leurs fans et de l’image que l’opinion publique, les médias et le système hollywoodien ont contribué à façonner, elles se retrouvent dans un état quasi schizophrénique. Elles vont alors se réfugier dans la drogue, l’alcool, les séances de chirurgie plastique à répétition, chacune essayant de défaire ce qu’avait fait la précédente, comme ce fut le cas précisément de Hedy Lamarr. D’autres n’en pouvant plus, choisiront le suicide comme l’ont fait Judy Garland ou Marilyn Monroe.

Un film beau et triste à la fois. Beau, parce que Hedy Lamarr aura été une actrice icône de beauté, de glamour et de liberté; parce qu’elle aura donné à la science une invention capitale. Mais triste parce que ses désillusions et sa mélancolie nous émeuvent et qu’elle n’aura pas obtenu la pleine reconnaissance que méritait sa générosité et son talent. À découvrir. C’est passionnant.

Hedy Lamarr : From Extase to Wifi
De Alexandra Dean – USA 2018
En salles depuis le 6 juin 2018

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« Manhattan Stories » : New York au ralenti

4 juin 2018

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Le film de Dustin Guy Defa est comme un jeu de cartes que l’on bat et rebat, avant d’étaler les cartes sur la table. Plusieurs mini-films apparaissent et disparaissent, parfois sans lien les uns avec les autres, parfois se recoupant au hasard du montage. Voici Benny, un collectionneur de vinyles, excité à l’idée de mettre enfin la main sur un enregistrement original de Charlie Parker. Son ami Ray, plonge dans une déprime abyssale après avoir voulu se venger de sa petite amie en postant des photos d’elle, nue. Voici Claire, apprentie journaliste qui essaye, sans grand enthousiasme, de prouver la culpabilité d’une femme qui aurait assassiné son mari. Claire, dont le rédacteur en chef est amoureux et dont l’idylle tournera court le laissant prostré, au bord du suicide. Et puis il y a ces deux copines, hyper-névrosées, qui passent leur temps à débattre autour de leurs désirs sexuels. Nous sommes là dans un New York bouillonnant et paisible à la fois, peuplé de trentenaires névrosés, qui, sans aucun doute, nous font penser aux héros de Woody Allen, de Jim Jarmusch ou de Philip Roth. Tous les personnages du film vivent des aventures qui nous paraissent tout à fait insignifiantes, mais qui pour eux sont vécues comme de profonds drames existentiels; et c’est précisément cette distance qui donne au film son caractère humoristique. Les raccourcis dans le traitement des plans et des dialogues de chaque séquence rendent les situations carrément hilarantes : le rédacteur en chef effondré sur son bureau s’apitoyant, comme un enfant, sur son sort de prétendant délaissé; son assistante complètement paumée ne rêvant que de retourner à son ancien job de salariée tranquille; Ray, dont la culpabilité le transforme en ectoplasme congelé; la passivité de l’horloger chez qui semble se tramer le dénouement du fameux meurtre … Pas de violence dans ce film, mais de l’émotion, de la légèreté, de l’énergie et de l’humour… et Manhattan en toile de fond.

Manhattan Stories
Titre original : Person to Person
Réalisé par Dustin Guy Defa
USA – 2017
En salles depuis le 16 mai 2018

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«TeamLab» ou l’interaction homme/lumière

27 mai 2018

TEAMLAB-AU-DELA-DES-LIMITES

TeamLab, du nom du collectif japonais, est une exposition hors du commun. Dans un immense espace de 2000 m² (la Grande Halle de La Villette), des artistes, des ingénieurs, des électroniciens, des programmateurs, des architectes, des mathématiciens… déploient un spectacle fascinant et poétique, faisant interagir les spectateurs avec des créations numériques, véritables œuvres d’art. On peut voir voler l’oiseau ou faire disparaitre un crocodile que l’on écrase du pied et que l’on a préalablement dessinés, faisant la joie des petits et des grands. Dans une autre salle, vous avez l’impression d’être submergé par une cascade. Ailleurs, dans une salle plus petite, vous devenez un passe-muraille. Dans un vaste aquarium multicolore, vous pouvez détourner le cours d’une rivière ou faire plier de votre main des massifs de fleurs ou de roseaux, le tout sur un fond musical d’écoulement ou de jaillissement d’eau. Le visiteur est ainsi en immersion, entre lumière, couleurs et sons. Il se laisse aller à la contemplation, à des rêveries infinies, modifiant à sa guise, selon son imagination, la réalité virtuelle dans laquelle il est plongé. Rien à voir avec la déstructuration numérique d’œuvres d’art, telles les toiles de Klimt ou de Hundertwasser que l’on peut voir à l’Atelier des Lumières, où l’art finalement disparait et où seule subsiste la performance techno-numérique. Avec TeamLab, c’est au contraire la performance des artistes et la participation du spectateur qui font l’œuvre d’art.

TeamLab – Au-delà des limites.
Jusqu’au 9 septembre 2018 à La Grande Halle de La Villette à Paris

L’Atelier des Lumières – Une immersion dans l’art et la musique : Gustav Klimt
389, rue Saint-Maur, 75011 Paris

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« Nobody’s Watching » de Julia Solomonoff

11 mai 2018

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Il arrive parfois, notamment dans les grandes villes, d’avoir le sentiment de ne pas exister, d’être transparent, de vivre la mélancolie de la solitude. C’est ce qui arrive à Nico, un comédien argentin, venu à New York pour tourner un film et, espère-t-il, y faire carrière. Le film tant attendu est repoussé de jour en jour. Nico – l’excellent Guillermo Pfening – vit de petits boulots. Il est disponible pour faire du baby-sitting. Il est d’ailleurs toujours disponible, comme le sont les solitaires, désœuvrés, en attente de quelque chose qui ne veut pas arriver ou qui lui est refusée. Nico souffre, boit, provoque, joue les durs, mais il donne le change, toujours souriant, bienveillant. Il ne manque pas d’humour lors d’échanges attendris avec des femmes latino immigrées ou de dérision lorsqu’il va d’un appartement à l’autre son fauteuil sur la tête. New York l’avale mais ne le digère pas, le rejette même. Il est invisible sauf pour le bébé de sa sœur, qui lui, semble être le seul à le reconnaitre. Écrasé par le poids de l’anonymat, il est en train de perdre son identité argentine, sans pour autant gagner la newyorkaise. New York d’ailleurs est vu ici hors des images familières que l’on connait. Ce sont plutôt des parcs pour enfants gardés par des immigrées, des pistes cyclables bordant des autoroutes urbaines, les bords de l’Est River ou de l’Huston River, les quartiers populaires du Lower Manhattan ou de Battery Park. Un autre New York, qui n’est pas celui des touristes, mais celui des caissières de supermarchés, des serveurs de restaurants ou des bars de nuits chaudes. Un film plein d’humour et de tristesse à la fois. De la difficulté de vivre à l’étranger, d’être un étranger dans la solitude urbaine… et américaine ! Une parenthèse douloureuse au terme de laquelle Nico retrouve son confort et sa notoriété en revenant à Buenos Aires… ce que tout immigré ne peut, hélas, pas toujours réaliser.

Nobody’s Watching de Julia Solomonoff
États-Unis/Argentine…- 2017 –
Avec Guillermo Pfening, Marco Antonio Caponi et Elena Roger
En salles depuis le 25 avril 2018

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« Ready Player One » de Steven Spielberg

3 mai 2018

ready-player-one

Après Pentagon Papers, de facture classique et à la réalisation parfaitement  léchée, voici que Steven Spielberg nous revient – et avec quel talent – avec ce Ready Player One à la créativité débridée. Il nous entraîne dans le monde futuriste des jeux vidéo. Les personnages du film participent à un jeu, tous équipés de masques de réalité virtuelle. L’intrigue, bien que confuse parfois, nous décrit la confrontation entre le jeune Wade et sa sympathique équipe et une multinationale multimédia IOI. L’objectif de cette lutte est d’hériter de l’immense fortune du créateur d’un jeu vidéo dénommé Oasis et de prendre ainsi son contrôle. Au fil de ces aventures virtuelles, les avatars de nos jeunes héros vont vivre des expériences rocambolesques et époustouflantes qui plongent le spectateur dans des vagues de sidération joyeuse et émerveillée. La course automobile du début du film, qu’on ne veut pas voir prendre fin, nous transporte littéralement dans une transe jouissive. La ville de Colombus où vivent les protagonistes en 2045 est une sorte de bidonville vertical sinistre, mais magique et poétique à la fois. C’est un véritable chef-d’œuvre décoratif qui fait penser, en plus extravagant et plus baroque, par son architecture et ses couleurs, aux dessins préparatoires des décors de films d’Alexandre Trauner, comme dans Le jour se lève (Marcel Carné, 1939), La Garçonnière (Billy Wilder, 1960), ou Autour de minuit (Bertrand Tavernier, 1986). Et puis le film regorge de citations musicales et cinématographiques signant ainsi l’amour de Spielberg pour la culture des années 80/90. Les premiers jeux vidéo Atari sont évoqués. Des séquences entières projettent dans la réalité virtuelle des scènes du film de Stanley Kubrick, Shining, apportant au film un supplément d’atmosphère fantastique. Les références au monde numérique d’aujourd’hui sont là aussi exposées avec le regard critique et désapprobateur du cinéaste. La multinationale IOI, ce pourrait être Google ou Apple. Ses employés, rangés par centaines, équipés de leur masque et de leur ceinture de réalité virtuelle, nous signifient un monde où les individus sont manipulés, massifiés, indifférenciés, transformés en soldats-pantins asservis à la puissance prédatrice des grands groupes multinationaux. Pour y échapper, Steven Spielberg nous emmène dans son monde merveilleux et imaginaire. Un film salutaire.

Ready Player One de Steven Spielberg – États-Unis – 2018
En salles depuis le 28 mars 2018

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« The Rider » de Chloé Zhao

23 avril 2018

affiche the rider 1

Peut-on aller jusqu’au bout de ses rêves ? C’est la question que pose la cinéaste américaine Chloé Zhao dans ce film sensible et poignant entièrement dédié à l’Amérique des grands espaces. Fiction quasi-documentaire, Chloé Zhao porte son regard sur les membres d’une tribu Sioux dans une réserve du Sud Dakota. Brady est un jeune cow-boy dresseur de chevaux et passionné de rodéo. Dans le film, il interprète sa propre expérience, ses propres aventures, au même titre que son père Tim, sa sœur Lilly, autiste, et ses amis dont Lane, ex-champion dompteur de taureaux, tétraplégique et  handicapé à vie à la suite d’un accident. Brady lui-même, lors d’un rodéo, est éjecté de sa monture qui, en se cabrant lui écrase le crane. Il échappe tout juste à la mort et vit avec une plaque de métal dans la tête. Il n’a qu’une idée, revivre sa passion de cow-boy, galoper dans la violente et grandiose nature et reprendre ses épreuves de rodéo alors qu’il lui est interdit de remonter à cheval. Peu à peu, tout au long de sa convalescence, Brady, s’approche des chevaux sauvages, les dresse progressivement, les monte délicatement, avec une tendresse et un amour intense. Les gros plans sur son visage, les caresses qu’il adresse à ses chevaux, l’affection qu’il manifeste à son « frérot » Lane,  le montrent tour à tour volontaire et heureux de bientôt reprendre les concours, contre l’avis des médecins et de son père mais anxieux et hésitant quant à ses possibilités physiques. Ira-t-il au bout ? Sera-t-il maître de son destin ? Un film tendre et sauvage.

The Rider de Chloé Zhao – États-Unis 2017
Avec Brady, Tim et Lilly Jandreau, Lane Scott.
En salles depuis le 28 mars 2018

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