Trilogie Nicolas Bouchaud : La Loi du marcheur, Le Méridien, Un Métier idéal

4 avril 2018

Après La Loi du marcheur et Le Méridien, Nicolas Bouchaud s’empare avec talent et passion du livre de John Berger Un métier idéal qui décrit l’activité au quotidien d’un médecin de campagne. Nicolas Bouchaud poursuit ainsi sa quête d’hommes remarquables, de personnalités hors du commun. Il nous a enthousiasmé avec La Loi du marcheur, le fameux entretien avec le journaliste Serge Daney, fou de cinéma, mis en scène par Éric Didry. Il nous a ému avec Le Méridien, d’après le poète philosophe Paul Celan, mis en scène également par Éric Didry. Voici des hommes qui vont vers les autres, qui font don de leur être, de leur savoir, qui cherchent toujours à venir en aide, à servir. Serge Daney, pas ses connaissances, sa générosité, son amour du cinéma est un transmetteur de richesses intellectuelles qui nous fait partager ses passions. Paul Celan, cet immense poète, est l’homme de l’amitié et de l’amour, qui tend la main à l’autre, qui ne voit pas « de différence entre une poignée de main et un poème ». Et John Sassall, le médecin du livre de John Berger, c’est l’homme qui soigne les malades et entre en relation avec eux par un attachement à leur personnalité profonde. Pour lui, la relation à l’autre est originelle et inaugurale par rapport à la relation au malade. Tous les trois sont des êtres généreux, attentifs aux autres, qui font don d’eux-mêmes, qui vont vers l’autre dans un mouvement antérieur à toute expérience. De leur action éthique jaillit la connaissance, l’amour, l’amitié et le soin. Nicolas Bouchaud, avec générosité et talent, nous fait partager ces moments d’humanité et de poésie.

Trilogie Nicolas Bouchaud au Théâtre du Rond-Point à Paris jusqu’au 14 avril 2018

Trilogie Jpeg

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« Notre innocence » de Wajdi Mouawad

2 avril 2018

Un groupe de jeunes s’interroge sur la mort de l’une d’entre eux. A-t-elle été assassinée ? S’est-elle suicidée ? A-t-elle seulement existée ? L’homogénéité du groupe, les liens d’amitié qui les unissent, leur vision commune du monde, leur rejet des générations antérieures, leur désespérance et leur colère sont magistralement exprimés dans la première partie du spectacle. Ils sont 18 formant un chœur parfait, déclamant en un sans-faute un texte rageur, mais hélas quelque peu élémentaire, un peu trop sur-souligné. Cette longue litanie, répétitive, lancinante, sans fin est rythmée comme une musique de jazz, avec ses accélérations et ses syncopes et donne au groupe une sorte de minéralité indestructible. Et se conclue par une répétition interminable des « dernières mesures » évoquant probablement les incertitudes dans lesquelles le groupe se débat. « Je sais pas » scandent-ils durant plus de 10 minutes. Leur déprime est telle qu’ils doivent s’en libérer et c’est bien ce que nous montre le tableau suivant : une sorte de chorégraphie pop dansée par tous les protagonistes, comme un oubli de soi, dans une ambiance déchainée, noyée dans les fumées, la musique et le tourbillon agressif des lumières.

Mais l’homogénéité du groupe va bientôt voler en éclats. Le groupe se fissure, craque, traversé de ruptures et d’antagonismes violents. La cause ? La mort de cette femme, Victoire, qui se serait jetée de sa fenêtre. Les individualités de chacun refont surface pour comprendre, accepter, nier… la mort de Victoire. Les sentiments de chacun explosent et fusent au-dessus de la table commune. L’incrédulité, le déni, la haine, l’indifférence, la culpabilité, le scepticisme, la passion sont au rendez-vous de ce pugilat collectif et tournent en quelque sorte autour de l’absente. Cette Victoire, réelle et virtuelle, nous apparait comme une Pythie ou comme un totem qui tantôt donne forme et cohérence au groupe (le chœur du premier tableau), tantôt l’entraîne dans des divisions antagonistes (la table du troisième tableau). Et puis quelque chose se produit en ouverture du quatrième tableau : un miracle, l’absente va parler, elle revient dans l’immanence et s’adresse à sa petite fille, vivante ou pure illusion, qui sait ? L’émotion nous saisit. Nous ne sommes plus dans la réalité, ni dans la fiction mais bien dans un conte imaginaire, où tous les amis du groupe se retrouvent et s’élèvent au-delà de leur misérable quotidienneté. Une porte vers l’espoir s’ouvre alors à eux. Malgré deux petites séquences qui aplatissent ou ralentissent un peu la dynamique, (la petite fille dans sa chambre qui appelle sa mère et l’autopsie de la morte dans un lieu qui se veut bloc opératoire), l’intensité dramatique de la mise en scène de Mouawad revient bien vite et nous comble d’émotion et de ravissement.

Notre innocence au Théâtre de la Colline à Paris jusqu’au 11 avril 2018

Notre innocence Jpeg

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« America » : Arizona 2017, le film

27 mars 2018

Voici un film cauchemardesque et émouvant tout à la fois. Le réalisateur présente une série de personnages, rednecks passablement anarchistes, attachés à leurs armes à feu comme étant une partie d’eux-mêmes, viscéralement opposés aux intellectuels et aux bourgeois de la côte Est, fans de Donald Trump et évidemment vomissant Obama et Hillary Clinton et fantasmant sur le retour de la grandeur de l’Amérique. Ce retour, aura-t-il lieu ? Dans cet Arizona de rêve avec son Grand Canyon, sa mythique Route 66, son Monument Valley dans la nuit étoilée, que John Ford a su si bien montrer dans ses westerns, le cinéaste filme avec empathie ses protagonistes dans la petite ville de Seligman, entourés des carcasses de vieilles voitures abandonnées, de stations d’essence désertes, de bars glauques où règnent l’ennui et la bière et où les trains ne s’arrêtent plus. Est-ce d’ailleurs un hasard, si les dernières images laissent voir passer un train chargé de chars d’assauts, renvoyant probablement au militarisme du pouvoir américain. Le tout est  filmé avec les couleurs et les photos de Sylvain Leser, faisant penser à Edward Hopper, à couper le souffle.

America de Claus Drexel et Sylvain Leser – France 2017
En salles depuis le 14 mars 2018

Affiche_Diaphana distribution                     La mythique Route 66
Affiche Diaphana Distribution                                         La mythique Route 66

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« La loi du marcheur » : entre théâtre et cinéma

10 mars 2018

Le théâtre du Rond-Point reprend depuis le 7 mars 2018 La loi du marcheur que Nicolas Bouchaud a monté à partir des entretiens de Régis Debray et Serge Daney, le critique des Cahiers du cinéma, dans une mise en scène d’Éric Didry. Le comédien s’approprie les paroles de Daney et les projette aux spectateurs comme un film. De la scène, on entre alors dans l’imaginaire cinématographique que Nicolas Bouchaud, en immense comédien qu’il est, illustre avec des plans tirés de Rio Bravo de Howard Hawks avec John Wayne, le film préféré de Serge Daney. Comme un enfant, il nous entraine avec lui à regarder les images et à jouer au cow-boy, comme dans les westerns, que Daney appréciait particulièrement. Dans ses entretiens avec Régis Debray, Serge Daney, expliquait que les images, les films étaient de véritables chocs : Rio Bravo bien sûr, mais aussi Rome ville ouverte de Rossellini, Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais ou même le visage d’Ava Gardner. Le spectateur entre dans la pièce et le jeu de Nicolas Bouchaud comme on entre dans un film, en silence et les yeux écarquillés, l’imagination en effervescence. Passionnant et jubilatoire !

À voir ou revoir au Théâtre du Rond-Point du 7 au 18 mars 2018

La loi du marcheur

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OH LUCY ! De Tokyo à Los Angeles

21 février 2018

Setsuko est une employée, vieille fille solitaire et aigrie qui s’ennuie ferme dans son travail de bureau à Tokyo. Son quotidien est vide, oppressant et quasi-suicidaire. Mika, sa nièce lui fait découvrir un cours d’anglais. Setsuko tombe follement amoureuse du professeur, John, un jeune américain frivole et excentrique qui la dote d’une perruque blonde et la surnomme Lucy. Lorsqu’il quitte le Japon avec Mika, elle va tout faire pour le rejoindre en Californie. Son séjour avec sa sœur (mère de Mika) à Los Angeles sera particulièrement mouvementé, et Setsuko prend conscience que l’Amérique ne correspond pas aux attentes qu’elle y avait projetées. Déçue, elle retourne à Tokyo, démissionne de son travail et reprend ses errances en quête d’amour.
Au-delà des péripéties qui se jouent entre les personnages, ce sont deux mentalités qui s’affrontent. Face à la recherche désespérée d’amour et de reconnaissance de Lucy, la désinvolture, le dilettantisme et l’indifférence de John ne font que l’entrainer dans l’abattement et la déprime.
Pour son premier film, Atsuko Hirayanagi nous montre aussi un va et vient entre deux cultures. À Tokyo, la foule, toujours en mouvement, s’agite de façon anonyme dans les grands carrefours urbains, aux immeubles concentrés comme celui de Shinjuku que le film nous donne à voir. Les appartements sont minuscules, comme celui, encombré, de Lucy. Les bureaux où elle travaille sont d’un blanc immaculé; les employés silencieux sont alignés comme des pions, au sourire et dévouement factices. Le paysage est traversé par des trains, toujours des trains, qui se croisent, annonciateurs de suicides, comme celui du premier plan du film, laissant indifférente la foule rangée en lignes impeccables.
En Californie, la première chose que Lucy voit, ce sont les palmiers géants et les derricks sur l’autoroute qui mène à Los Angeles. Elle loge dans un motel triste à souhait où les cloisons laissent passer les gémissements des voisins. Elle se retrouve souvent avec John ou seule dans un bar ou dans un diner, archétype des restaurants américains.
Oui, ce premier film est passionnant, malgré quelques confusions dues à la prolixité des situations. Mais passionnant tout de même par la richesse des oxymores qu’il soulève : celui des sentiments et des émotions, entre le besoin d’amour de Lucy et  l’inconstance de John; celui des différences culturelles entre Tokyo et la Californie; et surtout celui du traitement cinématographique, entre humour et drame.

OH LUCY ! Un film d’Atsuko Hirayanagi – 2017
En salles en France à partir du 31 janvier 2018

Oh Lucy

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«Un enfant attend» de John Cassavetes

13 février 2018

Un enfant attend, le troisième film de John Cassavetes porte-t-il toujours la marque de fabrique de Shadows : un cinéma nerveux, syncopé, non conventionnel, improvisé… ? Peut-être de façon sous-jacente, mais certainement pas de prime abord. Un enfant attend est un film classique, au montage léché, dans un noir et blanc malgré tout très hollywoodien. Certes, Cassavetes n’a pas eu le final cut. Le producteur Stanley Kramer imposera une fin qui n’était pas celle souhaitée par le cinéaste. Cassavetes reniera le film et continuera sa carrière hors du système des studios. Mais de quoi s’agit-il ? Du débat autour de l’opposition entre les deux façons de concevoir l’accueil et le traitement des enfants autistes et trisomiques. Faut-il les mettre entre les mains d’institutions spécialisées, où règne la discipline de l’éducation et de l’apprentissage, dont le docteur Clark (formidable Burt Lancaster), colossal et imperturbable, en est le représentant ? Faut-il au contraire les entourer d’amour et répondre favorablement à leur moindre demande d’affection, comme le fait la fragile éducatrice Judy Garland ? Le film ne tranche pas nettement, mais il se situe plutôt dans un entre-deux, que la mère d’un enfant autiste, interprété par Gena Rowlands, porte avec douleur et une infinie culpabilité : laisser son enfant, Reuben, auprès des éducateurs et se forcer à retenir son débordement d’amour. Le film est tourné en plans très rapprochés et en contre-plongée, mettant le spectateur au milieu des enfants (de vrais handicapés), vivant avec eux, et comme eux, leur gaité insouciante, leur souffrance et leur vulnérabilité. Un film beau, émouvant et déchirant.

Un enfant attend de John Cassavetes – 1968
Avec Burt Lancaster, Judy Garland et Gena Rawlands
Réédité en version restaurée en février 2018
Disponible en DVD et Blue Ray

 

400px-ChildWaitingPoster     affiche Cassavetes un enfant

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Quand Joseph Kessel racontait Hollywood

1er février 2018

Le livre de Joseph Kessel, Hollywood Ville mirage, est toujours d’actualité. Publié en 1936 puis réédité en 1996 et 1999, il dépeint, sans aucune animosité mais avec finesse et une profonde clairvoyance, le monde des studios de cinéma de l’âge d’or de Hollywood. Entouré du réalisateur Anatole Litvak et du comédien Charles Boyer, Kessel nous montre du doigt le fonctionnement des Majors, la frénésie que provoquent les starlettes auprès du public, la toute-puissance des producers, la recherche effrénée du profit des « industriels » du cinéma, les débordements d’émotions et de rêves de tout le monde…

Tout cela n’a pas disparu. On continue toujours à négocier des contrats de production ou de distribution, non plus au cabaret Trocadero, mais à l’Aroma Cafe ou au bar de l’hôtel Chateau Marmont. On discute de la manière d’achever l’écriture d’un scénario. Les fameuses parties dans les villas luxueuses attirent toujours la jetset cinématographique ou audiovisuelle, où l’on s’ennuie probablement autant… Si la prédicatrice Aimee Semple McPherson – que Joseph Kessel avait rencontrée – a cessé depuis bien longtemps ses extravagances, le temple qu’elle avait fait ériger dans les années 1920, l’Angelus Temple of the Foursquare Gospel est toujours là. Cette « Sœur Aimee » comme elle se faisait appeler avait d’ailleurs inspiré nombre d’écrivains et de réalisateurs. On pense bien sûr au film Elmer Gantry réalisé en 1960 par Richard Brooks à partir du roman de Sinclair Lewis. Burt Lancaster y tient le rôle principal. Quant à celui de Jean Simmons, il s’inspire directement d’Aimee Semple McPherson. Si pour Joseph Kessel, Hollywood était une ville mirage, c’est probablement toute la ville de Los Angeles, saturée de ses signes cinématographiques, qui est, bien plus qu’un mirage, une véritable mythologie du cinéma. Un livre captivant et d’une actualité saisissante.

Hollywood, ville mirage
Joseph Kessel – Gallimard 1936
Disponible d’occasion chez Amazon dans l’édition 1936 (Gallimard) ou dans la réédition (Ramsay Poche Cinéma) de 1996

Kessel Gallimard          Livre Kessel Ramsay

             Angelus Temple
             Angelus Temple. 110 Glendale Boulevard
             Echo Park – Los Angeles

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Jésus de West Hollywood est mort

27 janvier 2018

Oui Jésus est mort. De son vrai nom Kevin Short ou Kevin Lee Light, Jésus de West Hollywood – WeHo Jesus, comme il était couramment appelé – était probablement la personne la plus photographiée de Los Angeles, bien plus certainement que les sosies d’Elvis ou de Marilyn. Il habitait à West Hollywood. En quelques années, cet excentrique était devenu une célébrité à Hollywood. Dès 15 ou 16 heures, on le croisait à l’angle de Fountain Avenue et de Laurel Avenue, vêtu de sa longue robe de bure, sandales aux pieds, cheveux et barbe bien fournis. Il arpentait régulièrement Sunset Boulevard, Hollywood Boulevard ou Fairfax Avenue. Prétendant être le « fils de Dieu », il posait volontiers avec les touristes qu’il croisait. Bien que n’étant pas religieux, il jouait le rôle de Jésus sérieusement, avec ferveur… on y aurait cru. D’ailleurs les gens ne s’y trompaient pas. Il était bienveillant, généreux et tolérant. Tout le monde l’aimait. Il faisait partie de la grande communauté des comédiens et était souvent présent au cabaret The Comedy Store sur Sunset Boulevard. On a pu le voir dans quelques séries et dans un clip de Lana Del Rey. Paix à son âme !

Jesus WeHo

« Lucky » de John Carroll Lynch avec Harry Dean Stanton

4 janvier 2018

Lucky (Harry Dean Stanton dans son dernier rôle*) c’est un roc, comme ceux de Monument Valley, planté au milieu d’un monde qui tourne autour de lui. Il ne bouge pas, il ne change pas, il est la permanence même, l’identique, la répétition. Il est vieux, mais il a toujours été vieux ou éternellement jeune. Il est enfermé dans ses habitudes qu’il a acquises dans la nuit des temps, mais apprécie le contact avec ses proches, attachés à leurs habitudes comme lui. Il déblatère avec son voisin de comptoir (David Lynch) sur la disparition d’une tortue centenaire au nom de Theodore Roosevelt, ou échange avec un client du bar des souvenirs de vétérans. Il sirote son Bloody Mary quotidien après sa séance de gymnastique tous les jours à midi. Lucky est hors du temps, il abolit le temps. Il est inébranlable et quelque peu dédaigneux. C’est un cow-boy blasé de 90 ans qui finit tout de même par se poser la question du sens de sa vie, de sa solitude et de son destin inexorable. Mais il le fait dans l’amitié avec les autres, dans la bonne humeur et avec un sentiment imprégné de mélancolie et de blues. Que d’émotions, lorsqu’il se met à chanter de sa voix rocailleuse lors de l’anniversaire d’un jeune garçon mexicain ou lorsqu’il déambule dans le désert, sa sempiternelle cigarette planté au coin des lèvres, comme pour défier la mort prochaine. Un air d’harmonica vient conclure cette touchante flânerie qui s’éloigne dans la lumière de l’Arizona. Un grand moment de vie !

Lucky
De John Carroll Lynch avec Harry Dean Stanton et David Lynch – 2017

* Harry Dean Stanton est mort en septembre 2017

Lucky affiche film

Civilisation. Comment nous sommes devenus américains

31 décembre 2017

Sommes-nous pro- ou anti-américains ? Pour Régis Debray, l’Amérique est une civilisation, qui, comme toutes les civilisations, s’étend et installe sa suprématie partout où elle mène ses conquêtes. Il montre en effet comment l’Europe, qui fut une civilisation, est devenue une culture sous l’emprise de l’empire américain. Elle l’est, non seulement dans l’utilisation des mots et des termes anglais (managers, disc-jockey, sampling, pure players, team building…) mais aussi dans les institutions et les comportements. Nous avons une First Lady. Le PS planche sur la société du care. L’université adopte le modèle graduate et post graduate et recommande le PhD à la place du doctorat d’État. À Sciences Po 60% des enseignements se font en  anglais et l’on a des visiting professors. On pratique les class actions et le name dropping. Les majorettes ouvrent les défilés. Le bien-être et le développement personnel sont au centre de la gestion des entreprises. Nous recevons des newsletters. iTélé est rebaptisée CNews… Alors, sommes-nous devenus américains ? Et l’Europe n’aurait-elle plus rien à dire ? Ne serait-elle plus qu’une « entreprise sans passion motrice » et ses institutions ne fonctionnent-elles qu’à l’anglais ? Finalement, Régis Debray laisse percer un brin d’optimisme. C’est lorsqu’une civilisation touche à sa fin et reprend les couleurs d’une culture que les talents s’épanouissent, comme dans la Vienne du début du 20ème siècle. Ainsi, l’Europe « déjà bien américanisée » ne meurt pas mais se transforme, sans perdre son âme.

Un livre passionnant, érudit et drôle à la fois. À mettre entre toutes les mains.

Civilisation. Comment nous sommes devenus américains, Régis Debray
Gallimard – Avril 2017